C’est désormais une habitude; lorsque le gouvernement est affaibli, en affaires courantes ou avant qu'un gouvernement ne soit formé après les élections, les partis de gauche et les libéraux voient leur chance de changer la législation sur les questions éthiques dès que possible - avant qu'il n’y ait un gouvernement fort. Le même scénario se présentait après les élections du 26 mai 2019. Dans les mois qui ont suivi, tous les partis progressistes ont présenté des propositions de loi visant à modifier la loi sur l'avortement. Cela est remarquable car la loi sur l'avortement avait été complètement réformée un an plus tôt en 2018. Après des années de pression des partis d'opposition - les partis du gouvernement étaient parvenus à un accord pour retirer l'avortement du Code pénal, mais avec le maintien des sanctions en cas des violations de la loi, et le délai a été de facto prolongé de six jours. Avant la modification de la loi, l'avortement devait avoir lieu avant la fin de la douzième semaine de grossesse, depuis le changement de loi, seule la première consultation dans un centre d'avortement devait avoir lieu avant la fin de cette douzième semaine; l'avortement lui-même, qui ne peut avoir lieu qu'après un délai de réflexion de six jours, est donc encore possible à 12 semaines et 6 jours.
Étant donné que les nouvelles propositions après les élections de 2019 présentaient des divergences dans plusieurs domaines, les partis présentant les propositions, qui avaient également une majorité au Parlement, ont décidé de se réunir ensemble et - bien entendu sans aucune consultation avec les autres partis - de parvenir à un commun accord. Par conséquence, toutes les propositions ont été fusionnées en novembre. Ce qui a suivi dans les mois suivants a été un faux débat.
La proposition de loi contient les propositions suivantes::
- L'extension du délai légal dans lequel un avortement peut avoir lieu de 12 à 18 semaines;
- La quasi-suppression ou réduction du délai de réflexion de 6 à 2 jours;
- Suppression de la divulgation obligatoire des informations nécessaires sur les alternatives à l'avortement, sur la contraception et sur les aides de maternité disponibles pour les mères;
- Un interruption médicale de grossesse (possible pendant toute la durée de la grossesse) devient possible dès qu'il y a « un risque élevé » que l'enfant souffre d'un état incurable, bien que cela ne soit possible aujourd'hui qu'en cas de certitude;
- L'abolition de toute sanction pénale tant pour la mère que pour le médecin exécutant en cas de violation des conditions légales;
- L’extension du « délit d’entrave à l’IVG »;
- L'interdiction des clauses de conscience collective;
- Inscrire l’avortement dans la loi sur les droits des patients et en faire ainsi un « acte médical ordinaire ».
La mesure la plus discutée, à savoir la prolongation du délai légal , n'est qu'une fraction de ce que contient cette proposition. Fin 2019, la Marche pour la vie a laissé des experts parler du contenu de ces propositions (voir www.marchforlife.be). La philosophie derrière cette proposition de loi prévoit un changement radical, passant de l'avortement comme dernier recours à l'avortement en tant que droit de l'homme, un traitement médical ordinaire. Il est par exemple interdit aux établissements de santé de ne pas faire d’avortements en leur sain (interdiction des clauses de conscience collective). Cependant, lorsque l'avortement devient un droit de l'homme, la clause de conscience individuelle ne tient plus la route non plus, il n’existe pas objection de conscience pour soigner une pneumonie ou une grippe.
L’opposition au parlement et le veto du CD&V
Après la présentation de la proposition de loi a suivi un « débat parlementaire approfondi et complet », selon les partis progressistes. Or il n'y a jamais eu qu'un faux débat au Parlement. Le véritable débat a eu lieu dans les coulisses des partis pro-avortement afin d'élaborer une proposition commune. Ce qui a suivi au Parlement n’ont été quelques discussions sur les différentes positions; la coalition pro-avortement ayant discuté de la qualité de cette proposition de loi, les dangers des propositions, présentées par l’opposition n’ont pas été entendus.
La proposition de loi a été envoyée au Conseil d'État pour avis juridique. Naturellement, un avis globalement positif a été donné. Il est important de noter que le Conseil donne des conseils juridiques et ne porte pas de jugement moral. Cependant, le projet de loi ne contient pas nécessairement de problèmes juridiques - bien qu'il y en a - mais contient principalement de graves problèmes moraux.
Après avis du Conseil d'État, ce projet de loi a été à nouveau discuté au Parlement. Le CD&V, la N-VA et le CDH ont déposé des amendements visant à rétablir, entre autres, les sanctions pour le médecin dans le projet de loi et à interdire l'avortement en raison du sexe de l'enfant (car le sexe peut être connu à partir de la 12eme-13eme semaine sur la base du test diagnostic prénatal). En ajoutant les votes du Vlaams Belang, ces partis ont eu suffisamment de voix pour renvoyer ces amendements au Conseil d’État le 22 juin.
Le projet de loi est ensuite retourné au Parlement où il devait être voté le 2 juillet. Alors qu’il essaye de constituer une formation d’un gouvernement, le président du CD&V, Joachim Coens, a dit à plusieurs reprises que l’avortement constitue un point de rupture. En interne également, il y a une pression pour ne pas s’asseoir autour du table avec des partis qui ignorent la sensibilité de CD&V autour de ces questions éthiques, démontrant ainsi un manque total de respect pour le parti. Joachim Coens avait donc convenu avec les deux dirigeants des partis libéraux, Egbert Lachaert (Open VLD) et Georges-Louis Bouchez (MR) avec lesquels il tente de former un gouvernement, que le projet de loi ne serait pas encore voté au Parlement. Lorsque, le 2 juillet, le président du MR a annoncé qu’il donnait à ses députés « la liberté » de voter sur la question, brisant ainsi le pacte avec Joachim Coens, ce dernier a suspendu les discussions de formation et menacé de se retirer définitivement s’il y aurait un vote. Cette menace a été écartée car le CD&V, N-VA et CDH ont de nouveau déposé des amendements qui ont été envoyés au Conseil d’État pour avis, de nouveau avec l’aide du Vlaams Belang. Joachim Coens a pu rétablir la confiance de Georges-Louis Bouchez, en précisant sans doute que la question de l’avortement doit finir sur la table du gouvernement et qu’une majorité alternative (dans laquelle certains partis gouvernementaux coopèrent avec des partis d’opposition afin de former une majorité au Parlement pour adopter la loi sur l’avortement) entraînera le retrait du CD&V du gouvernement.
Il convient de mentionner que plusieurs personnalités de la MR ont déjà indiqué qu’elles voteraient contre le projet de loi. Michel de Maegd, par exemple, l'un des premiers signataires d’ailleurs du projet de loi, a complètement changé d’avis et votera contre la proposition. La ministre de l'Énergie, Marie-Christine Marghem (MR), a également indiqué qu'elle tente de convaincre les membres du parti de voter contre le projet de loi.
L'avortement comme un sacrement
Les partis signataires voient l'avortement comme leur cheval de bataille, un peu comme un sacrement. De plus, si l'avortement devient un droit humain, la limite de 18 semaines n’a plus aucun sens. Nous devons arrêter cette culture de mort avant de nous retrouver dans la même situation qu'aux États-Unis, où les avortements peuvent survenir pour n'importe quelle raison, jusqu'à la naissance.
Une fois de plus les « progressistes » ne veulent pas du tout de progrès. On pourrait même dire que les groupes qui sont généralement étiquetés « conservateurs » sont ceux qui veulent vraiment réaliser un « progrès ». Les progressistes veulent un changement. Avec les changements qu'ils proposent ici, ils abandonnent les personnes dans le besoin. Est-ce moral d’avoir à offrir à une personne enceinte l’avortement jusque 18 semaines – avec toutes les conséquences psychologiques que cela implique, et non un soutien accru ?
Une Culture de Vie
En tant que défenseurs de la vie humaine, nous sommes obligés d'agir. Même si cette loi est votée dans sa forme actuelle, nous devons rester déterminés à réagir. La meilleure façon d'y parvenir est de promouvoir réellement une culture de vie. Soit par notre engagement actif, soit par un soutien financier, nous pouvons nous assurer que des initiatives sont mises en place pour vraiment aider les femmes en détresse. L'expérience a montré que les femmes proches du désespoir et qui bénéficient d'une réelle liberté en leur offrant toutes les options choisissent toujours la Vie. Nous pouvons nous organiser pour que les filles et les femmes impliquées entrent en contact avec cette aide, nous pouvons faire en sorte que ces organisations soient mieux connues et soutenues.
Désormais, il est particulièrement important de s'opposer à ce projet de loi. Il reste encore du temps avant la date du vote. Avec la Marche pour la vie, nous avons lancé une action pour adresser les députés individuels dans une courte lettre manuscrite. Vous pouvez participer en envoyant un e-mail à [email protected]. Nous vous enverrons ensuite plus d'informations et de l'aide sur la meilleure façon de participer. L'opposition à ce projet de loi augmente; ensemble, nous pouvons faire en sorte que ce projet de loi ne soit finalement pas adopté et qu'au fil du temps, il puisse même y avoir à nouveau une véritable Culture de Vie.
Wouter Suenens
Président Marche pour la Vie Bruxelles