Chers amis, aujourd’hui, personne ne peut se montrer insensible et indifférent devant l’obligation impérieuse de défendre l’enfant à naître. Au-delà de l’aspect moral qui nous interdit de porter atteinte à toute vie humaine, surtout lorsqu’elle est innocente et sans défense, la protection de l’embryon est la condition sine qua non pour sortir toute civilisation de la barbarie et assurer l’avenir de notre humanité. Le signe clinique le plus impressionnant, indiquant que nous allons vers l’abîme et un gouffre sans fond, c’est la puissance dramatique du refus de la vie. L’homme de la société de consommation devient toujours plus insensible au respect sacré de la vie humaine. Il ne comprend plus que la personne humaine puisse être un absolu que nous n’avons pas le droit de manipuler à notre guise. |
Le refus d’accueillir et de laisser vivre ceux qui gênent, c’est-à-dire non seulement l’enfant conçu et « non désiré », comme le martèlent les partisans de l’avortement, mais aussi la personne handicapée, le malade en phase terminale, la personne âgée devenue impotente, ce refus manifeste une profonde méconnaissance de la valeur de toute vie humaine créée et donc voulue par Dieu. Dans l’encyclique Evangelium Vitae, le Pape saint Jean-Paul II déclare que « nous sommes face à une réalité… que l’on peut considérer comme une véritable structure de péché, caractérisée par la prépondérance d’une culture contraire à la solidarité, qui se présente dans de nombreux cas comme une réelle ˝culture de mort˝… Par sa maladie, par son handicap, beaucoup plus simplement, par sa présence même, celui qui met en cause le bien-être ou les habitudes de vie de ceux qui sont plus favorisés, tend à être considéré comme un ennemi dont il faut se défendre ou qu’il faut éliminer. Il se déchaîne ainsi une sorte de conspiration contre la vie »[5]. Et le Pape François, avec le franc-parler qu’on lui connaît, qualifie sans détour cette « culture du déchet » qui « ne s'applique pas seulement à la nourriture ou aux biens superflus qui sont objets de déchet, mais souvent aux êtres humains eux-mêmes, qui sont “jetés” comme s'ils étaient des “choses non nécessaires” ». Et il ajoute : « La seule pensée que des enfants ne pourront jamais voir la lumière, victimes de l'avortement, nous fait horreur »[6]. Le Saint-Père précise, dans son Exhortation apostolique Gaudium Evangelii (« la Joie de l’Evangile ») du 24 novembre 2013 que « parmi ces faibles, dont l'Église veut prendre soin avec prédilection, il y a aussi les enfants à naître, qui sont les plus sans défense et innocents de tous, auxquels on veut nier aujourd'hui la dignité humaine afin de pouvoir en faire ce que l'on veut, en leur retirant la vie et en promouvant des législations qui font que personne ne peut l'empêcher. Fréquemment, pour ridiculiser allégrement la défense que l’Eglise fait des enfants à naître, on fait en sorte de présenter sa position comme quelque chose d’idéologique, d’obscurantiste et de conservateur. Et pourtant cette défense de la vie à naître est intimement liée à la défense de tous les droits humains. Elle suppose la conviction qu’un être humain est toujours sacré et inviolable, dans n’importe quelle situation et en toute phase de son développement »[7]. Ainsi, le Pape François nous appelle à une mobilisation générale pour la Vie : quand il évoque l’Eglise qui, dit-il, est comme un lazaret ou un « hôpital de campagne » après la bataille, il pense en premier lieu à cette bataille pour la survie de l’humanité terriblement blessée dans sa chair et dans son âme, au chevet de laquelle se tient la Mère Eglise. Le professeur Lejeune, en tant que médecin, plus que tout autre, a accueilli dans son « hôpital de campagne » qu’est l’hôpital Necker des Enfants-malades, ces blessés de la vie qui, tel cet enfant de 10 ans que je citais tout à l’heure, venaient, avec leurs parents, chercher le réconfort et le courage d’avancer et d’espérer encore ; l’hôpital Necker, ce « lazaret » des temps modernes est bien une œuvre admirable de charité et de compassion qui continue aujourd’hui. Le Professeur Lejeune a su versé l'huile de la miséricorde et le vin de la vérité qui libère[8] (cf. Lc 10, 34) sur les blessures de cette partie de l’humanité sans défense et ignorée des puissants de ce monde, dans cet « hôpital », cet « Hôtel-Dieu », qui est aussi « l’auberge » de la parabole du Bon Samaritain ; et nous savons que l’auberge est ici l’allégorie de l’Eglise, notre Mère.
Je profite de cette opportunité pour saluer et remercier toutes les associations qui œuvrent patiemment et contre vents et marées, pour que la vie soit promue et protégée, tout comme la famille qui en est le sanctuaire. La vie est un don de Dieu, un don que Dieu a confié à la famille. C’est donc dans la famille que la vie trouve sa source, qu’elle trouve le cadre qui répond et à sa dignité et à sa destinée. D’où le caractère sacré de la vie et le respect qu’elle mérite, deux impératifs que toute législation digne de ce nom doit reconnaître et promouvoir, y compris ici, en France, la Fille aînée de l’Eglise. En effet, dans la vie de chaque personne humaine, même la plus faible et la plus blessée, l'image de Dieu resplendit et se manifeste dans toute sa plénitude avec la venue et l’Incarnation de Jésus, du Fils de Dieu Sauveur. Dès lors, chaque homme est appelé à une plénitude de vie qui va bien au-delà des dimensions de son existence sur terre, puisqu'elle est la participation à la vie même de Dieu. Telle était la conviction du Professeur Lejeune, et telle est encore aujourd’hui la conviction inébranlable de la Fondation qui porte son nom.
Je voudrais conclure en livrant à votre méditation cette réflexion lumineuse du Professeur Jérôme Lejeune, ce modèle de médecin généticien et praticien, qui n’a pas craint de dire la vérité à temps et à contre temps[9] :
« Il n’y a point d’Homme avec un grand H. Il y a des hommes, des personnes, et chacun d’eux est respectable. Si chacun veut bien verser une larme sur la condition de l’Homme, si les grandes consciences s’enorgueillissent de grands élans en parlant des droits de l’Homme, bien peu se préoccupent de chaque homme, si ce n’est la loi élémentaire de la charité, un mot fort décrié ces temps-ci, et pourtant irremplaçable, car la charité s’étend à tous et à chacun, et surtout au premier venu, celui qui est juste à côté de nous, le « prochain » comme nous le disent nos catéchismes ».
Je vous remercie pour votre attention.
Cardinal Robert Sarah
Source : Famille Missionnaire - l'Evangile de la Vie