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Xavier Breton, qui a travaillé pendant cinq mois avec Touraine pendant la commission d'information, tique un peu. Des dizaines d'heures d'audition organisées ensemble, il ne reste que l'avis de Jean-Louis Touraine dans le rapport. C'était son droit le plus strict, rappelle Breton, mais c'est révélateur : « C'est un homme qui ne cherche absolument pas le consensus, mais la majorité. Et ses doutes ne sont qu'une formalité rhétorique. » La présidente de La Manif pour tous, Ludovine de La Rochère, renchérit : « Il a compris que son arrogance desservait sa cause. Il est vrai qu'il est plus habile depuis quelques mois. Mais sur le fond, rien n'a changé. » Leonetti ne dit pas autre chose et sa colère est palpable : « Avant, il voulait une nouvelle loi sur l'euthanasie. Maintenant, il explique que la loi Leonetti est très bien, mais qu'il faut ajouter quelque chose. Le “quelque chose”, c'est le pouvoir de donner la mort ! »
Il s'amuse presque de voir ses opposants évoquer un “basculement anthropologique” avec l'extension de l'accès à la PMA. « Le véritable basculement anthropologique a déjà eu lieu, confie l'élégant moustachu, avec la contraception efficace. » Ce jour-là, développe-t-il avec passion, l'enfant devient le fruit d'un projet. Il n'est plus un don. Le deuxième basculement s'appelle la fécondation in vitro et Touraine a progressivement réalisé toutes les implications de cette nouvelle modalité de procréation. Son ami Robert Edwards, père du premier bébé-éprouvette au monde, « avait tout vu dès le début ». À l'époque, les deux hommes fréquentent les mêmes réunions de réflexion sur la bioéthique et Edwards prévient Touraine : « Cette technique se généralisera et on pourra un jour offrir un bébé à deux femmes qui le voudront. » L'enfant est un projet, qui ne nécessite plus l'union des corps. « Tout le reste n'est que conséquence » , résume Touraine.
Xavier Breton reconnaît en lui le défenseur d'une idéologie complète. Ni vraiment pro-LGBT, ni très préoccupé par les histoires personnelles, ni très attiré par le marché… Il s'en sert. Tout, pourvu que l'homme parvienne à la toute-puissance. Jusqu'à décider de l'heure de sa mort. Très proche de l'ADMD, Touraine persévère. Un amendement, en 2015, pour réclamer “une assistance médicalisée active à mourir”, une proposition de loi, en 2017. Cette année, le député accepte que le sujet soit traité à part, mais promet une proposition de loi avant la fin du quinquennat.
Et de conclure : « Dans son individualité, l'homme peut se référer à ses convictions propres - y compris religieuses -, mais cette croyance ne peut s'imposer à l'ensemble de la société. » Touraine est d'accord et précise : « Il faut suivre les évolutions et s'adapter à la société. Seule compte la loi que font les hommes. » En l'occurrence, celle qu'il s'applique à faire évoluer avec ses convictions progressistes. Quitte à les imposer à toute une société.